Ma Vision Artistique

 Le souffle et la matière

Peindre, pour moi, n’est pas représenter, mais révéler. Ce que je cherche à faire apparaître sur la toile ne relève ni du sujet ni de la narration : c’est une présence, un frémissement, parfois un cri retenu, souvent un murmure. Mes œuvres sont des champs de tensions, où la matière elle-même devient langage. Je travaille avec l’encre, le sable, les pigments, les papiers anciens comme on interroge une mémoire enfouie — non pour l’expliquer, mais pour la faire vibrer, pour lui donner forme sans jamais la figer.

Mon approche s’inscrit dans une abstraction lyrique, organique, gestuelle. Chaque toile est un espace vertical ou frontal, pensé comme un corps : une surface vivante, traversée, abîmée, cicatrisée. Le fond y joue un rôle fondamental — souvent sombre, profond, opaque — il sert de réceptacle au souffle, au verbe, à la lumière qui tente de s’y frayer un chemin. J’aime l’idée que le mot devienne trace, qu’il s’efface jusqu’à ne plus être lisible, mais reste là, comme une empreinte persistante, un battement sous la peau.

Mes gestes sont rapides, parfois nerveux, contrôlés mais jamais figés. L’encre coule, la matière craquelle, les couches se superposent ou s’érodent. J’accepte l’accident, je dialogue avec lui. Il y a dans chaque tableau une tension entre l’ordre et le chaos, entre ce qui veut surgir et ce qui résiste. Je ne cherche pas à produire une image, mais à provoquer une résonance. À créer un vertige, une impression de passage — entre le silence et le cri, l’ombre et la lumière, l’effacement et la révélation.

Ce que je donne à voir, ce n’est pas un discours, mais un espace ouvert. Un espace où chacun peut projeter ses propres fragments, ses propres silences. Une peinture comme une parole sans langue, une prière sans religion, un souffle sans fin.